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31/07/2015

Peut-être une lecture d'été ?

Lorsque le livre était sorti, avec grand bruit, je l'avais feuilleté en librairie, puis reposé, pas convaincue : je savais que l'écriture n'allait pas m'emporter. Trois ans après, une amie me le prête en version Poche, alors je me dis pourquoi pas, allons-y quand même. Voilà donc, après lecture, ma vérité sur "La Vérité sur l'Affaire Harry Quebert" de Joël Dicker (De Fallois, 2012).

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Impossible de nier que cela soit un page turner qu'on dévore parce qu'on a envie de savoir la suite et que l'intrigue est très habilement construite, le suspense intolérable : on dévore, donc.

Mais au bout d'un moment, on dévore de plus en plus vite : l'intrigue est haletante, mais l'écriture ne suit pas, on s'ennuie, paradoxalement. On commence à lire en diagonale, à sauter les descriptions plates ("C'était quelqu'un de si spécial. Il était si doux. Il aimait les fleurs, il aimait l'art.", les dialogues plats, ("Je te trouve très belle, mais tu es une enfant - Je ne suis pas une enfant ! - Nola… toi et moi c'est impossible.") et les innombrables répétitions de phrases par ailleurs convenues :

page 421 : "Une fois encore, elle ne remarqua pas la silhouette qui l'espionnait, tapie dans les fourrés."

page 427 : "Il traversa les rangées d'arbres et vint se cacher dans les fourrés à proximité de la maison."

page 440 : "Elle ne remarqua pas la silhouette tapie dans les fourrés qui l'observait."

page 609 : "Il était dissimulé dans les fourrés, il attendait."

et page 822, la même phrase exactement que page 440 "Elle ne remarqua pas la silhouette tapie dans les fourrés qui l'observait."

Que font les relecteurs chez De Fallois ? En tout cas, le lecteur lui aussi commence à avoir envie de se tapir dans les fourrés. Je garde le meilleur pour la fin. Je vous laisse comparer ces deux paragraphes.

"Au printemps 2008, environ une année avant que je fus devenu la nouvelle vedette de la littérature américaine, il se passa un évènement que je décidai d'enfouir profondément dans ma mémoire : je découvris que mon professeur d'université, Harry Quebert, soixante-sept ans, l'un des écrivains les plus respectés du pays, avait entretenu une liaison avec une fille de quinze ans alors que lui-même en avait trente-quatre." Joël Dicker, LVSAHQ page 244

"A l'été 1998, mon voisin, Coleman Silk, retraité depuis deux ans, après une carrière à l'université d'Athena où il avait enseigné les lettres classiques pendant une vingtaine d'années puis occupé le poste de doyen les seize années suivantes, m'a confié qu'à l'âge de soixante et onze ans il vivait une liaison avec une femme de ménage de l'université qui n'en avait que trente-quatre". incipit de La Tache, Philip Roth,  2000

Une polémique, à la sortie du livre de Dicker, a opposé ceux qui penchaient pour un plagiait pur et simple (je vous passe les nombreuses similitudes entre les deux histoires) et ceux qui y voyaient un hommage appuyé à Roth, pour lequel Dicker ne cache pas son admiration. Faites vous votre propre idée, en lisant les deux livres, mais commencez par celui de Philip Roth, sombre, vénéneux et magnifiquement écrit : il n'est pas certain que vous alliez au bout de celui de Joël Dicker.

Marguerite Duras disait qu'il y avait des livres de jour et des livres de nuit. Incontestablement, on a ici un livre de jour, peut-être même de plage. Le roman de Dicker a obtenu le Prix de l'Académie française, je ne m'explique pas pourquoi.

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