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05/01/2014

La concision est mère de toute bonne littérature (à mon avis)

Voici la première phrase du roman "Un an" de Jean Echenoz :

"Victoire, s'éveillant un matin de février sans rien se rappeler de la soirée puis découvrant Félix mort près d'elle dans leur lit, fit sa valise avant de passer à la banque et de prendre un taxi vers la gare Montparnasse."

Avouez qu'on peut difficilement mieux faire en matière de concision et d'ellipse ! D'autres auteurs auraient sans nul doute mis deux ou trois chapitres pour relater en tout ou partie la soirée, pour décrire l'effroi de Victoire à son réveil, ses tentatives pour réveiller Félix, ses interrogations, avec un bref détour par leur histoire d'amour, comment s'étaient-ils rencontrés, combien de temps auparavant, bla bla bla, peut-être même une petite description de l'appartement, et puis pour finir les étapes détaillées du départ. Ici, non. Les faits bruts dans leur âpreté, tout le nécessaire et rien de superflu.

A quoi tient cette extraordinaire concision ? A un trait de caractère personnel de l'auteur, le poussant à aller à l'essentiel ? A un sens du suspense très maîtrisé, le lecteur étant happé par l'envie irrésistible de dilater au plus vite toutes les ellipses contenues en quelques mots ? A une préférence pour le travail sur la langue, la narration venant alors au second plan ? A une certaine forme de politesse littéraire visant à ne pas ennuyer le lecteur ? Quoiqu'il en soit, cela fonctionne…

 

un_an.jpg


Très vite, pour ne pas alourdir ce billet, une mention de l'extraordinaire travail que fait Echenoz sur les adjectifs : ce n'est jamais celui que vous attendez qui surgit, vous pouvez en faire l'essai :

un salon résigné, une cuisine réticente, une Simca Horizon périmée, un yaourt divorcé, des cheveux noirs coiffés en casque mouvementé… la suite aux Editions de Minuit !

 

10:36 Publié dans Billets | Tags : echenoz, an, chambrot | Lien permanent | Commentaires (0)