13/09/2015
Une collection à commencer de suite
Manque de place, ou défaut d'obstination, je n'ai pas l'âme d'une collectionneuse. La seule collection que je réalise avec acharnement est celle des Folio Plus Classiques : 240 petits ouvrages indispensables, destinés au départ aux lycéens mais qui réjouissent à tout âge les amoureux de la littérature.
La collection met en regard un tableau et un auteur ou un mouvement littéraire. Par exemple, "Ecrire Madame Bovary", un texte passionnant sur la génèse du livre, mis en écho avec "L'Amazone", oeuvre sombre de Gustave Courbet.
Jamais de jargon dans ces ouvrages, mais des textes concis, des analyses éclairantes, des extraits de l'oeuvre, une ouverture la replaçant dans son contexte, un dossier sur le tableau faisant écho, et parfois même quelques fac-similés de pages manuscrites. Le livre refermé, on se sent plus intelligent, c'est précieux.
Je pourrais vous parler aussi de "Lambeaux" de Charles Juliet,
ou des "Fleurs du mal" de Baudelaire,
mais j'ai choisi de terminer avec un must : "Nouvelles formes du récit". Ne vous fiez pas au titre un peu sévère, car c'est un véritable menu-dégustation de la littérature contemporaine, proposant un passage en revue thématique d'auteurs, de Philippe Claudel à Jean Echenoz, en passant par Annie Ernaux et Charles Juliet, avec pour chacun une courte biographie et des extraits de romans. Vous lisez les extraits, vous faites votre choix, et vous courez acheter le livre en question. Une petite bible indispensable pour découvrir des pistes de lectures nouvelles !
12:50 Publié dans Billets, Romans | Tags : littérature contemporaine, folioplus classiques, juilet, echenoz, ernaux, philippe claudel | Lien permanent | Commentaires (0)
05/01/2014
La concision est mère de toute bonne littérature (à mon avis)
Voici la première phrase du roman "Un an" de Jean Echenoz :
"Victoire, s'éveillant un matin de février sans rien se rappeler de la soirée puis découvrant Félix mort près d'elle dans leur lit, fit sa valise avant de passer à la banque et de prendre un taxi vers la gare Montparnasse."
Avouez qu'on peut difficilement mieux faire en matière de concision et d'ellipse ! D'autres auteurs auraient sans nul doute mis deux ou trois chapitres pour relater en tout ou partie la soirée, pour décrire l'effroi de Victoire à son réveil, ses tentatives pour réveiller Félix, ses interrogations, avec un bref détour par leur histoire d'amour, comment s'étaient-ils rencontrés, combien de temps auparavant, bla bla bla, peut-être même une petite description de l'appartement, et puis pour finir les étapes détaillées du départ. Ici, non. Les faits bruts dans leur âpreté, tout le nécessaire et rien de superflu.
A quoi tient cette extraordinaire concision ? A un trait de caractère personnel de l'auteur, le poussant à aller à l'essentiel ? A un sens du suspense très maîtrisé, le lecteur étant happé par l'envie irrésistible de dilater au plus vite toutes les ellipses contenues en quelques mots ? A une préférence pour le travail sur la langue, la narration venant alors au second plan ? A une certaine forme de politesse littéraire visant à ne pas ennuyer le lecteur ? Quoiqu'il en soit, cela fonctionne…
Très vite, pour ne pas alourdir ce billet, une mention de l'extraordinaire travail que fait Echenoz sur les adjectifs : ce n'est jamais celui que vous attendez qui surgit, vous pouvez en faire l'essai :
un salon résigné, une cuisine réticente, une Simca Horizon périmée, un yaourt divorcé, des cheveux noirs coiffés en casque mouvementé… la suite aux Editions de Minuit !
10:36 Publié dans Billets | Tags : echenoz, an, chambrot | Lien permanent | Commentaires (0)
24/07/2013
15 minutes pour lire un chef d'oeuvre !
Vous n'avez que 15 minutes devant vous et vous voulez lire un chef d'oeuvre, un beau texte qui se déguste comme un chocolat de confiseur, lorsqu'on savoure par petits morceaux en redoutant que la fin approche ?
Alors il faut lire "L'Occupation des sols" de Jean Echenoz, un petit bijou de 16 pages seulement aux Editions de Minuit. Un texte resserré au maximum, pas un mot inutile, pas une banalité, aucun laisser-aller, tout est à sa place, nécessaire et suffisant. Le tout au service d'une efficacité narrative magistrale, je ne vois pas d'autre mot.
Certains d'entre vous m'ont dit en off que les extraits choisis ne donnaient pas envie de lire le texte… J'en mets donc un autre (la première phrase en réalité), en espérant être plus apéritive…
"Comme tout avait brûlé - la mère, les meubles et les photographies de la mère, pour Fabre et le fils Paul c'était tout de suite beaucoup d'ouvrage : toute cette cendre et ce deuil, déménager, courir se refaire dans les grandes surfaces."
A lire d'urgence !
Jean ECHENOZ, L'Occupation des sols, Editions de Minuit 1988
17:11 Publié dans Billets | Tags : chambrot, echenoz | Lien permanent | Commentaires (0)