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20/12/2014

Les Noces incertaines

Lorsque je choisis un livre, je procède toujours plus ou moins de la même manière: je passe ma main sur le papier, je lis le titre, jette un oeil sur la quatrième de couverture puis lis une ou deux pages au hasard. Si ça me plaît à toutes les étapes, je prends.

Avec Les Noces intertaines d'Isabelle Flaten, le plaisir est partout : le beau papier caressant la main qui l'effleure, le titre poétique, la quatrième de couverture qui évite tout racolage, et les peintures de Jean-Luc Brignola que l'on découvre ici ou là, parfois au milieu. On découvre aussi les belles Editions du Réalgar.

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Mais surtout, il y a le texte maintenant lu, depuis son début jusqu'à sa fin, sans lâcher, sans respirer parfois, tellement il sonne à l'estomac. Une histoire douce-amère, l'amour encore possible, peut-être, malgré l'âge qui vient et le non-dit qui obscurcit. Une observation sans concession des rapports amoureux et surtout des silences qui les émaillent.

"Mais peut-être est-ce par frousse qu'ils évitent de faire des phrases, ou encore par débine parce qu'ils le savent, il y a des risques, les mots sont sournois, dissimulés les uns derrière les autres, capables sur un coup de tête ou sur un coup de coeur de jaillir bien trop loin ou bien trop fort dans un propos intrépide, irrattrapable parfois, dont l'empreinte scelle à jamais une relation pour le meilleur ou le pire."

Oui, une langue magnifique, que je ne peux vous faire partager qu'en citant des passages du livre d'Isabelle Flaten, mes mots peinant par trop à parler des siens.

"Mais le mensonge est une saison morose où tout se referme, les flétrissures dans leur coquille et les paupières sur la laideur des choses."

Merci Isabelle, le voyage était merveilleux.

02/11/2014

Découverte du dimanche

Un coup de coeur à vous faire partager : le dernier numéro du "1" - nouvel hebdomadaire que l'on doit à Eric Fottorino et Laurent Greilsamer - qui est consacré à la langue française :

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A l'intérieur, Nancy Huston nous botte les fesses, Rilke nous enchante, Pourriol nous fait rire, Hervé Le Tellier oulipise…

Mais les autres numéros sont tout aussi intéressants : chaque semaine, une question d'actualité, traitée en long et en large, et surtout en travers, par des personnalités d'horizons différents. Le but, selon ses fondateurs, est de laisser le lecteur se forger sa propre opinion et de proposer une réponse à la vitesse qui égare et fait perdre connaissance. Oui, cessons de perdre connaissance avec les infos pré-mâchées des journaux télévisés et cherchons des espaces de réflexion alternatifs.

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Un format agréable, un papier qui évite le glaçage, et la première surprise du "comment déplier" : déplier, c'est ouvrir nous dit l'édito. Alors ouvrons !

 

12/10/2014

A l'Intérieur de Thomas Clerc

Un sentiment pas si courant : on referme un livre avec la sensation du choc, du chef d'oeuvre, du livre idéal qui va immédiatement prendre une des premières places dans son panthéon personnel.

Pour chacun d'entre nous, ce sera un livre différent, c'est dire si ce billet est subjectif, forcément.

C'est donc ainsi que j'ai refermé Intérieur de Thomas Clerc. Avec l'idée un peu absurde - mais je vous la livre telle quelle - que c'est LE livre que j'aurais aimé avoir écrit. Trop tard, c'est fait. Peu importe la question de savoir si j'aurais pu, si j'aurais su, ou autres participes passés en -u : de toute façon, c'est trop tard.

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De quoi s'agit-il ? A chaque fois que je réponds à cette question, mon interlocuteur se rembrunit… Disons que le narrateur nous fait visiter son appartement, depuis la porte d'entrée jusqu'au mur de la chambre du fond.

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386 pages pour 50 mètres carrés, et chaque détail nous est décrit, depuis le rideau blanc qui sépare l'entrée du salon jusqu'au DVD trop grand qui dépasse de l'étagère. Une entreprise péréquienne qui semble perdue d'avance et que Thomas Clerc réussit à rendre passionnante : les descriptions, d'une précision clinique, sont le lieu d'une critique de la société de consommation (quoi acheter, quoi jeter), d'un passage en revue de nos petites manies (conserver des trucs inutiles, porter toujours les mêmes vêtements quand le placard regorge), de nos angoisses (on sonne à la porte mais il n'y a personne) et d'un auto-portrait en filigrane, empli d'auto-dérision. 

Parler du sujet, minimaliste, ou de la forme, sorte d'exercice de style très contrôlé, ne dit rien de la force de l'écriture de Thomas Clerc : car c'est elle qui nous emporte, et pour s'en convaincre il suffit… de lire cet excellent livre !

"(…) la nudité est naturelle dans la salle de bains et la chambre ; possible aux toilettes ; furtive dans le salon et l'entrée, qu'il faut traverser pour rejoindre la salle de bains ; incongrue dans la cuisine et le bureau ; désagréable dans la cave. "

Thomas Clerc :  Intérieur Collection L’Arbalète, Gallimard, 386 pp., 22,90 €.

09/09/2014

Le Livre sur la place, avec ou sans Valérie ?

Voilà que se profile le Livre sur la place, à partir de vendredi prochain. Invitée pour la deuxième fois, je me réjouis de ce grand moment dans la vie d'un auteur et mon enthousiasme est intact. Je vous y attend donc avec impatience, pour parler de "La Bonne Distance"… ou de tout autre chose qui vous ferait plaisir …

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Je n'ai qu'une seule crainte : que Valérie Trierweiler ait été été invitée secrètement, les longues files de visiteurs qui feraient la queue devant elle ne laisseraient aucune chance aux pauvres auteurs n'ayant pas partagé la vie d'un président de la République.

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Oui, je sais, ça fait un peu jalousie mais je l'assume, ma psy m'ayant dit que c'était un sentiment humain et que le seul problème était non pas de le ressentir mais de le refouler. Il me faudrait environ… 400 ans pour vendre autant d'exemplaires que Mme Trierweiler en 4 jours, à l'allure où je vais, et 940 ans pour vendre les 470 000 exemplaires de son tirage final. Le montant total de ses droits d'auteur estimés frôle les 1 000 000 (oui, vous avez bien lu, un million) d'euros …

J'assume donc le petit dépit que je ressens, à tenter de me faire connaître avec persévérance, à lutter contre le doute ou la déception, à mobiliser autant d'énergie à écrire qu'à trouver des lecteurs, alors que d'autres gagnent en quelques jours de quoi vivre (et donc écrire) pendant 20 ans au moins.

Mais la vraie question est ailleurs : est-ce que j'aurais aimé, pu, voulu, écrire ce livre ? En fait non. Tout va pour le mieux dans le pire des mondes.

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Pour finir, ce patchwork d'auteurs réjouissant : venez nous retrouver le WE prochain sous le chapiteau !

Le Livre sur la place à Nancy : du vendredi 12 au dimanche 14 septembre 2014, de 10h à 19h. Entrée libre.

18/07/2014

Lectures de vacances : les livres à emporter partout

L'été est une période favorable à la lecture, que cela soit dans l'avion, à la plage, au lit ou sur les bancs d'un parc public. Les conseils fleurissent dans les magazines, alors permettez-moi de vous faire part, moi aussi, de mon TOP 3, adaptable à diverses circonstances.

>>> Pour ceux qui partent en avion ou sac au dos : Le Vicomte pourfendu d'Italo CALVINO (Einaudi, 1952)

94 grammes seulement et 140 pages, en Livre de poche, qui garantissent pourtant des heures et des heures de lecture tant on peut le lire, le relire et le relire encore. Médard de Terralba, chevalier gênois, est coupé en deux par un boulet de canon lors d'une bataille sanglante contre les Turcs. Ses deux moitiés séparées continuent leur vie chacune de son côté. Calvino livre ici un conte philosophique d'une grande force, dont l'humour flamboyant vous fera passer des moments de pure jubilation.

Extrait : "Elle voyait le visage du vicomte penchée sur elle, un profil qui restait profil même vu de face et une demi-rangée de dents qui découvrait un sourire en ciseaux."

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>>> Pour ceux qui vont naviguer : Le Seigneur du fleuve de Bernard Clavel (Robert Laffont 1972)

Clavel nous raconte l'histoire d'un batelier, au milieu du 19ème siècle, au moment où la vapeur vient tout à la fois concurrencer le travail et malmener les voies d'eau. Le livre est un hommage à la lutte des hommes contre les éléments (les crues, la sécheresse, la force de l'eau) et à la beauté du fleuve, considéré dans le roman comme un personnage à part entière. L'histoire terrible de Phillibert tient en haleine, et la magnifique écriture de Bernard Clavel fera voyager même ceux qui resteront immobiles.

Extraits : plusieurs extraits qui parlent du vent, autre personnage du roman, à divers endroits du texte.

"Le vent courait sur la bâche, tombait devant la portière et poussait des remous jusque sur les couchettes."

"A Beaucaire, il s'infiltrait partout. Il raclait les toits, miaulait dans les greniers, jurait en provençal en passant par les lucarnes trop étroites. (…) Le vol triangulaire des oies et des canards hésitait dans le ciel fou. A quoi bon filer vers le sud si le sud venait là ?"

"Il varlopait le fleuve à contre-fil, soulevant sans les arracher des milliers de copeaux d'argent."

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>>> Pour ceux qui partent en voiture : Bouvard et Pécuchet, roman inachevé de Gustave Flaubert, parution posthume en 1881.

Je dis "en voiture" car cet aimable pavé, 569 pages en Livre de poche, prend une certaine place dans les bagages. Pas d'affolement cependant devant l'épaisseur : dans l'édition ci-dessous, les 100 dernières pages sont constituées par le réjouissant Dictionnaire des idées reçues, qu'on lit en picorant ici ou là, à la demande, en en faisant profiter le voisinage, et 80 pages par la préface puis un dossier fouillé de notes diverses. Restent donc plus ou moins 350 pages représentant le roman proprement dit.

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Au départ, Flaubert voulait intituler ce roman "Encyclopédie de la bêtise humaine"… Bouvard et Pécuchet veulent tout connaître, tout expérimenter. Mais hélas, par manque de méthode et de sens critique, ce légitime désir de savoir ne les conduit qu'à l'échec. Flaubert écrit là une farce paradoxalement hilarante et sinistre, et sa subtile ironie attend les personnages à chaque tournant de leurs ridicules et parfois cruelles expérimentations. 

Extraits

"Tout à coup, avec un bruit d'obus, l'alambic éclata en vingt morceaux qui bondirent jusqu'au plafond, crevant les marmites, aplatissant les écumoires, fracassant les verres; le charbon s'éparpilla, le fourneau fut démoli - et le lendemain, Germaine retrouva une spatule dans la cour."

"Néanmoins, ils éprouvaient une sorte d'humiliation à l'idée que leur individu contenait du phosphore comme les allumettes, de l'albumine comme les blancs d'oeufs, du gaz hydrogène comme les réverbères."

 

>>> Enfin, en sus de ce TOP 3 littéraire, voyageur et tout à fait personnel, un livre pour ceux qui aiment les romans épistolaires : La Bonne Distance !

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Bon mois de juillet à tous et bonnes lectures !