21/08/2013
Yann Moix me met de mauvaise humeur
Qu’un auteur comme Houellebecq, avec son ironie ambiguë et ses prises de position radicales soit le déclencheur régulier de polémiques, cela n’a rien de surprenant. Mais que Christian Bobin soit un écrivain tout aussi – quoique plus discrètement - controversé est plus étonnant. Ceux qui aiment Bobin l’aiment follement mais ne le disent pas assez fort et ceux qui le détestent crient à la bondieuserie, mièvrerie et autres substantifs en –rie plus ou moins flatteurs. Je me souviens d’un papier de Yann Moix dans le Figaro, disant qu’il préférait la littérature à Christian Bobin, et le traitant au passage d’imbécile, mais passons…
Alors pour faire court, commençons par cette histoire de mièvrerie : voici une phrase extraite de « Un assassin blanc comme neige » (Gallimard, 2011)
J’attends d’un poème qu’il me tranche la gorge et me ressuscite.
Pour la mièvrerie, vous repasserez.
Dans son article, Moix extrait avec une grande mauvaise foi les phrases de leur contexte, tronquant ainsi les images ou les métaphores pour les rendre ridicules.
Voici ce que moi je choisirais, toujours dans le même livre :
Une douleur enfièvrait son poème comme si dans chaque caractère d’imprimerie passait un serviteur tenant une torche (…)
Et ça aussi :
Lire, c’est ajouter au livre, découvrir, en s’y penchant, son propre visage dans la fontaine de papier blanc.
Tout en ayant conscience du grand écart que sont capables d'effectuer mes goûts littéraires, j’aime à la fois Houellebecq et Bobin. En matière de littérature, rien n’est manichéen.
19:59 Publié dans Billets | Tags : chambrot, bobin | Lien permanent | Commentaires (0)
17/08/2013
Une petite devinette littéraire et sa solution
Lancée par Pierre Louÿs en 1919, une polémique discrète anime les milieux littéraires et universitaires : Corneille était-il le nègre de Molière ? Affaire passionnante et qui remet en cause jusqu'à l'expression "la langue de Molière" : ne serait-il pas plus juste désormais de dire "la langue de Corneille" ????
Faites le test vous-même en remobilisant vos souvenirs du collège ou en allant farfouiller dans votre bibliothèque :
Qui a écrit les vers suivants ?
Malgré des feux si beaux qui troublent ma colère,
Je ferai mon possible à bien venger mon père ;
Mais par un haut refus et d’éclatants mépris
Ferais-je dans mon choix voir un cœur trop épris ?
Eh bien… les deux premiers sont extraits du Cid, Corneille donc, et les deux derniers de Tartuffe donc Molière… Bluffant, non ? Toute cette affaire est passionnante, et très bien documentée sur le site :
14:51 Publié dans Billets | Lien permanent | Commentaires (0)
24/07/2013
15 minutes pour lire un chef d'oeuvre !
Vous n'avez que 15 minutes devant vous et vous voulez lire un chef d'oeuvre, un beau texte qui se déguste comme un chocolat de confiseur, lorsqu'on savoure par petits morceaux en redoutant que la fin approche ?
Alors il faut lire "L'Occupation des sols" de Jean Echenoz, un petit bijou de 16 pages seulement aux Editions de Minuit. Un texte resserré au maximum, pas un mot inutile, pas une banalité, aucun laisser-aller, tout est à sa place, nécessaire et suffisant. Le tout au service d'une efficacité narrative magistrale, je ne vois pas d'autre mot.
Certains d'entre vous m'ont dit en off que les extraits choisis ne donnaient pas envie de lire le texte… J'en mets donc un autre (la première phrase en réalité), en espérant être plus apéritive…
"Comme tout avait brûlé - la mère, les meubles et les photographies de la mère, pour Fabre et le fils Paul c'était tout de suite beaucoup d'ouvrage : toute cette cendre et ce deuil, déménager, courir se refaire dans les grandes surfaces."
A lire d'urgence !
Jean ECHENOZ, L'Occupation des sols, Editions de Minuit 1988
17:11 Publié dans Billets | Tags : chambrot, echenoz | Lien permanent | Commentaires (0)