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13/09/2015

Une collection à commencer de suite

Manque de place, ou défaut d'obstination, je n'ai pas l'âme d'une collectionneuse. La seule collection que je réalise avec acharnement est celle des Folio Plus Classiques : 240 petits ouvrages indispensables, destinés au départ aux lycéens mais qui réjouissent à tout âge les amoureux de la littérature.

La collection met en regard un tableau et un auteur ou un mouvement littéraire. Par exemple, "Ecrire Madame Bovary", un texte passionnant sur la génèse du livre, mis en écho avec "L'Amazone", oeuvre sombre de Gustave Courbet.

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Jamais de jargon dans ces ouvrages, mais des textes concis, des analyses éclairantes, des extraits de l'oeuvre, une ouverture la replaçant dans son contexte, un dossier sur le tableau faisant écho, et parfois même quelques fac-similés de pages manuscrites. Le livre refermé, on se sent plus intelligent, c'est précieux.

Je pourrais vous parler aussi de "Lambeaux" de Charles Juliet,

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ou des "Fleurs du mal" de Baudelaire,

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mais j'ai choisi de terminer avec un must : "Nouvelles formes du récit". Ne vous fiez pas au titre un peu sévère, car c'est un véritable menu-dégustation de la littérature contemporaine, proposant un passage en revue thématique d'auteurs, de Philippe Claudel à Jean Echenoz, en passant par Annie Ernaux et Charles Juliet, avec pour chacun une courte biographie et des extraits de romans. Vous lisez les extraits, vous faites votre choix, et vous courez acheter le livre en question. Une petite bible indispensable pour découvrir des pistes de lectures nouvelles !

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31/07/2015

Peut-être une lecture d'été ?

Lorsque le livre était sorti, avec grand bruit, je l'avais feuilleté en librairie, puis reposé, pas convaincue : je savais que l'écriture n'allait pas m'emporter. Trois ans après, une amie me le prête en version Poche, alors je me dis pourquoi pas, allons-y quand même. Voilà donc, après lecture, ma vérité sur "La Vérité sur l'Affaire Harry Quebert" de Joël Dicker (De Fallois, 2012).

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Impossible de nier que cela soit un page turner qu'on dévore parce qu'on a envie de savoir la suite et que l'intrigue est très habilement construite, le suspense intolérable : on dévore, donc.

Mais au bout d'un moment, on dévore de plus en plus vite : l'intrigue est haletante, mais l'écriture ne suit pas, on s'ennuie, paradoxalement. On commence à lire en diagonale, à sauter les descriptions plates ("C'était quelqu'un de si spécial. Il était si doux. Il aimait les fleurs, il aimait l'art.", les dialogues plats, ("Je te trouve très belle, mais tu es une enfant - Je ne suis pas une enfant ! - Nola… toi et moi c'est impossible.") et les innombrables répétitions de phrases par ailleurs convenues :

page 421 : "Une fois encore, elle ne remarqua pas la silhouette qui l'espionnait, tapie dans les fourrés."

page 427 : "Il traversa les rangées d'arbres et vint se cacher dans les fourrés à proximité de la maison."

page 440 : "Elle ne remarqua pas la silhouette tapie dans les fourrés qui l'observait."

page 609 : "Il était dissimulé dans les fourrés, il attendait."

et page 822, la même phrase exactement que page 440 "Elle ne remarqua pas la silhouette tapie dans les fourrés qui l'observait."

Que font les relecteurs chez De Fallois ? En tout cas, le lecteur lui aussi commence à avoir envie de se tapir dans les fourrés. Je garde le meilleur pour la fin. Je vous laisse comparer ces deux paragraphes.

"Au printemps 2008, environ une année avant que je fus devenu la nouvelle vedette de la littérature américaine, il se passa un évènement que je décidai d'enfouir profondément dans ma mémoire : je découvris que mon professeur d'université, Harry Quebert, soixante-sept ans, l'un des écrivains les plus respectés du pays, avait entretenu une liaison avec une fille de quinze ans alors que lui-même en avait trente-quatre." Joël Dicker, LVSAHQ page 244

"A l'été 1998, mon voisin, Coleman Silk, retraité depuis deux ans, après une carrière à l'université d'Athena où il avait enseigné les lettres classiques pendant une vingtaine d'années puis occupé le poste de doyen les seize années suivantes, m'a confié qu'à l'âge de soixante et onze ans il vivait une liaison avec une femme de ménage de l'université qui n'en avait que trente-quatre". incipit de La Tache, Philip Roth,  2000

Une polémique, à la sortie du livre de Dicker, a opposé ceux qui penchaient pour un plagiait pur et simple (je vous passe les nombreuses similitudes entre les deux histoires) et ceux qui y voyaient un hommage appuyé à Roth, pour lequel Dicker ne cache pas son admiration. Faites vous votre propre idée, en lisant les deux livres, mais commencez par celui de Philip Roth, sombre, vénéneux et magnifiquement écrit : il n'est pas certain que vous alliez au bout de celui de Joël Dicker.

Marguerite Duras disait qu'il y avait des livres de jour et des livres de nuit. Incontestablement, on a ici un livre de jour, peut-être même de plage. Le roman de Dicker a obtenu le Prix de l'Académie française, je ne m'explique pas pourquoi.

12/07/2015

Se taire ou pas : un uppercut littéraire

Isabelle Flaten écrit avec la puissance d'un boxeur poids lourd : ses mots sonnent à l'estomac, directement. J'avais été mise KO par la lecture des Empêchements (2012), ébranlée par les Noces incertaines (2014), me voilà définitivement au tapis avec son dernier livre, Se taire ou pas.

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Surtout ne pas se méprendre : je parle de l'effet que ses mots font au lecteur, pas de la manière dont elle les écrit. Parce que sur ce point, c'est la justesse, la finesse, la beauté des phrases ciselées au millimètre qui frappent.

Il ne se parle plus qu'à lui-même, parce qu'avec les autres c'est trop difficile. Ils cherchent des noises à son vocabulaire, des double sens à ses propos, alors que pas du tout.

Comme dans les Noces incertaines, Isabelle Flaten explore ici les silences et la difficulté de dire. Mais sous une forme différente : elle nous livre un passage en revue de situations où communiquer s'avère impossible, dangereux ou inutile.  Promesses non tenues (Une parole ne vaut qu'à l'instant où elle est prononcée.), lapsus entraînant le ricanement, rupture et départ, secret de famille… Une galerie de portraits anonymes dessinés par les silences, les non-dits, les paroles empêchées, celles qui restent en travers de la gorge, celles qui ne veulent pas sortir, celles qui sortent mais tout de travers ou au mauvais moment. Les mots comme une arme (plus rarement un baume), qui peut nous revenir en boomerang. Il y a des mots qui tuent, surtout quand ils sont lâchés comme des chiens.

De silences spongieux en cyclone salivaire, de sourires de faussaire en allure mensongère, Se taire ou pas nous entraîne dans un voyage sans concession au pays des syllabes infranchissables, et le voyage est magnifique.

Se taire ou pas, aux Editions du Réalgar , toujours aussi belles

30/06/2015

La littérature hors du champ de la culture ?

Le 22 juin dernier, Michel Houellebecq - cheveux coupés, parka au vestiaire - recevait le prix de la BNF pour l'ensemble de son oeuvre. Un grand moment - normalement - pour un écrivain qui, adulé et étudié à l'étranger, reçoit en France un accueil plus que mitigé. Quand ce ne sont pas des tombereaux d'injures.

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La BNF relate sobrement l'évènement… sans faire mention du fait que la ministre de la Culture, Fleur Pellerin, se soit décommandée à la dernière minute. Désinvolture, agenda mal géré, inculture ou boycott ? Toutes les hypothèses sont plausibles. Madame Pellerin n'a pas lu Modiano et n'aime pas Houellebecq. Apprendre qu'elle lit Guillaume Musso finirait par ne plus me surprendre.

Houellebecq a fait mine de ne pas relever l'affront : il a l'habitude. Moi ça me donnerait envie d'écrire un autre livre sur lui : en réparation.

En tout cas, si ça continue, lire Houellebecq va devenir un véritable acte de résistance. Alors résistons ! On peut relire ça pendant les vacances :

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Il est même sorti en poche, c'est mieux dans la valise :

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19/05/2015

Des nouvelles de Michel Houellebecq

La vie n'est pas un long fleuve tranquille pour Michel Houellebecq ni pour ceux qui aiment son travail : une pièce de théâtre, tirée des Particules élémentaires, vient d'être retirée de la programmation du festival de Dubrovnik. Les organisateurs craignent des attentats. Le réalisateur se désole : "Cet acte de censure est en fait un ordre intimant à renoncer à utiliser l'intelligence".

Dans le même temps, Houellebecq donne une interview à la chaîne flamande VTR. On le voit avec meilleure mine, un peu remplumé, un peu mieux coiffé mais transpirant sous les spots dans sa parka noire. Il semble au comble d'une lassitude agacée : il écourte l'interview, dit qu'il arrête la promotion de Soumission, les médias anglo-saxons pourront se brosser. En néerlandais, le livre s'intitule Onderworpen.

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